Exposition « le Pilier »
Extrait d’une série de linogravures et récit associé, sur le thème du vivant.
En 2015, l’artiste Stephen Gill installe un pilier dans la terre.
Cela se passe en Suède, au milieu d’une étendue plate de champs agricoles. A côté, sur un deuxième poteau, il positionne un appareil qui déclenche la prise de vue automatiquement en fonction des mouvements environnants. Peu à peu l’appareil capture l’insaissable ballet des nombreux oiseaux trouvant par ce pilier un point de jonction entre terre et ciel. Stephen Gill crée ainsi une œuvre photographique qu’il nomme « The Pillar ».
En 2023, je suis frappée par l’expression du sauvage dans le travail de Stephen Gill. Cela résone avec une recherche qui m’anime profondément : la question de mon lien au vivant. En tant qu’humaine, comment pourrais-je trouver une place harmonieuse avec les autres êtres vivants ?
Alors je décide d’entrer en dialogue avec les apparitions sauvages de « The Pillar », en creusant l’image dans des plaques de lino. Une fois la plaque encrée et passée sous presse, les oiseaux réapparaissent là, bruts, hors cadres, tout près et insaisissables à la fois. Je les accompagne de textes qui expriment mon dialogue intérieur, comme si je m’adressais à ces oiseaux.
Cher oiseau où t’es tu posé ?
Aux aguets je me tiens prêt.
Cher oiseau, j’ai du mal à te voir, entends-tu mon appel ?
Comme toi, j’existe là, dans le vacarme des conversations ordinaires.
Cher oiseau, perçois-tu le souffle qui me tient en vie ?
Avec lui, j’ondule de mon corps agile au fil du vif.
Cher oiseau, sens-tu la mort qui se répand autour de nous ?
Devant elle je m’appuie sur ce pilier dressé, droit face à la puissance sacrée de la vie.
Cher oiseau, sens-tu ma honte et ma peine ?
Miroir de ton cœur, statue indomptable de chair, je vis au monde.
Cher oiseau, puis-je prendre la large avec toi ?
Chère humaine, puisse ta présence au vent comme à la terre te donner à danser avec le ciel,
dans la joie simple et profonde d’être là, comme moi.